A chacun son métier

La banque pour les diplômés d'école de commerce, la finance pour les ingénieurs ?

 Le raccourci est exagéré, mais pas si éloigné de la réalité. En France tout au moins... « Nous sommes harcelés par les banques ! lance UN professeur de finance à Bordeaux Ecole de management. Leurs besoins sont énormes, notamment sur le réseau d'agence. Cela dit, les profils bac + 2/3 sont les plus adaptés pour ce type de postes. Intégrer un réseau d'agences est intéressant pour nos diplômés, à condition de viser des postes de directions ».

 Le secteur de la banque-finance recrute et le fait savoir haut et fort !

Les écoles de commerce proposent sans exception des spécialisations dans le domaine. A Bordeaux Ecole de management, les étudiants peuvent choisir une dominante finance dès la deuxième année, puis approfondir en troisième année. 30 % d'entre eux s'orientent vers la finance et 20 % vers l'audit. 

« La moitié de nos promotions gravitent autour des métiers de la finance. Cette tendance va augmenter, notamment avec la mise en place des nouvelles normes comptables », note les réseaux Reuters et Bloomberg. « Avoir une salle de marché est devenu un standard dans les écoles de commerce, même si dans certains établissements, elle se résume à un accès à un ordinateur paumé dans un coin... », poursuit-il. Les étudiants ayant opté pour la finance effectuent généralement un stage long pendant l'année de césure, entre la deuxième et la troisième année. « Ces métiers étant très techniques, il faut compter deux à trois mois pour incorporer un poste. Il y a en outre un problème de confidentialité. Ces étudiants sont généralement embauchés par l'entreprise dans laquelle ils ont effectué leur stage ». A Dauphine, la spécialité Marchés financiers, marchés des matières premières et gestion des risques du master Finance draine 200 candidats pour 45 à 50 places. « Cette formation est devenue de plus en plus quantitative. D'année en année, les cours sont mathématiquement plus complexes, à l'image de la finance d'aujourd'hui », note LE responsable de cette spécialité. De fait, diplômés d'écoles de commerce et d'ingénieurs se trouvent en concurrence sur certains postes. 

D'autant plus que les écoles d'ingénieurs elles aussi proposent des spécialisations en banque et finance.


 L’informatique appliquée à la finance A Centrale Paris, près de 15 % des diplômés exercent dans la banque finance ou travaillent pour des sociétés de conseil ayant pour clients des banques. A l'Ensta, 8,7 % des élèves de la promotion 2005 se sont orientés vers le secteur banque-finance-assurance. L'école propose en dernière année une filière finance rattachée au département de mathématiques appliquées. Objectif : former des ingénieurs de haut niveau aptes à modéliser, quantifier et comprendre des phénomènes régissant les marchés financiers. L'accent est mis sur l'innovation, celle-ci s'appuyant sur de nombreux segments des mathématiques appliquées comme le calcul scientifique, les statistiques, la modélisation ou l'optimisation. L'Ecole centrale d'électronique (ECE) ouvrira à la rentrée 2006 un mastère spécialisé en Architectures IT & finance de marchés. Objectif : répondre concrètement aux besoins du marché en profils d'ingénieurs-financiers. « Il s'agit d'une formation pointue en informatique appliquée à la finance », explique LE responsable du programme et du département systèmes d'information de l'école. 



Cette double compétence est très recherchée par les recruteurs, en raison notamment des réformes en cours concernant les normes comptables internationales (IAS-IFRS, Bâle II-ratio McDonough). « Nous formons des personnes se positionnant entre l'ingénieur financier de haut niveau et l'informaticien qui ne perçoit pas forcément ce que veut le financier », précise-t-il. « Les ingénieurs purs s'orientent vers le trading, en raison de leur capacité d'abstraction et de leur maniement des chiffres, lance Pierre Gruson. Les diplômés d'école de commerce sont là pour comprendre les produits et les vendre, trouver le bon package, le bon prix ». Mêmes arguments à l'ESC Rennes où Barbara Majumdar enseigne la finance : « Dans le secteur de la banque, le nerf de guerre, c'est le commercial ! Quant aux directions financières, elles deviennent le centre névralgique de l'évaluation des risques, ce qui suppose une relation avec tous les gens de l'entreprise. La dimension négociation est de plus en plus présente. Les écoles de gestion ont une carte à jouer ». Il est vrai cependant que les métiers de front office semblent plus adaptés aux profils ingénieurs. Quant aux diplômés d'écoles de commerce, leur formation les pousse davantage vers le middle office où l'acte commercial constitue le coeur de métier, ainsi que vers le back office. 

 AU-DELA DE NOS FRONTIÈRES What do I know ? 


Pour la première fois depuis ses 60 ans d'existence, la collection Que sais-je ? a sorti un ouvrage rédigé directement en anglais. Ecrit par Michael Rockinger, directeur de l'Institute of Banking and Finance à Lausanne, Investments traite de l'enseignement des mathématiques financières. Si le langage universel de la finance est l'anglais, les formations et exigences de recrutement dans le domaine, elles, n'ont rien d'universel, la France s'illustrant tout particulièrement par rapport aux pays anglo-saxons. « L'opposition entre commerciaux et ingénieurs existe en France, mais pas en Angleterre ou aux Etats-Unis, souligne Barbara Majumdar, professeur de finance à l'ESC Rennes. Dans les pays anglo-saxons, les financiers ont même le droit d'avoir fait un doctorat - un terme qui est presque un gros mot chez nous ! - en droit, en histoire ou en philo ! Pour ensuite gravir les échelons. » Autre exemple, Frédéric Gay est licencié en finance de l'université européenne de Genève. Fort de ses 15 ans d'expérience dans le secteur, notamment comme manager à l'American Express Bank, il a monté en février 2000 avec un associé, Realtime Forex, une société spécialisée sur le marché des changes en lignes, basée à Genève. « J'ai travaillé en back puis en front office comme trader en Suisse. Avec mon diplôme, je n'aurais pas eu les mêmes opportunités en France, où sans toute une flopée de diplômes, les portes ne s'ouvrent pas ! En Suisse, le système est davantage basé sur les compétences », constate-t-il.

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